Le Groupe IRIS Santé signe la charte Romain Jacob

Pascal Jacob, président de l’association handidactique, a été reçu le 18 mars au siège du groupe Iris Santé, au Port, pour renouveler la signature de la charte Romain Jacob. Un événement pour les établissements du groupe qui ont fait de l’accueil des personnes vivant avec un handicap une priorité. INTERVIEW.

Le groupe IRIS Santé vient de signer en votre présence la Charte Romain Jacob. En quoi est-ce important pour un établissement de santé ?

PJ : « Tout d’abord il est important de redire ce qu’est la charte Romain Jacob. C’est une charte qui a été écrite par et avec des personnes vivant avec un handicap et leur entourage. Ce sont des personnes ayant des attentes spécifiques et pour lesquelles il est important de concevoir les efforts nécessaires pour y répondre.
La première fait écho à l’accès aux soins. Aujourd’hui certains médecins refusent de prendre en charge certains patients. C’est le cas notamment en ophtalmologie. Chaque personne doit pouvoir être en mesure de choisir l’accompagnement qu’il estime être le meilleur pour elle. Pour cela, il est fondamental d’expliquer de manière transparente au patient la nature des soins qui lui seront prodigués. Enfin, il est nécessaire de prendre en compte la douleur. Aujourd’hui une personne vivant avec un handicap sur deux n’est pas en mesure de dire qu’elle a mal, ne sait pas exprimer sa douleur ».

Pour une personne vivant avec un handicap, quels sont les écueils les plus fréquemment rencontrés dans l’accès au soin ?

« Une personne vivant avec un handicap sur quatre déclare avoir eu l’accès refusé dans un hôpital ou par un médecin généraliste. Ces refus à répétition entraînent bien souvent l’abandon des soins de la part du patient. Il est fondamental que cesse cette galère pour trouver un soignant ».

Un refus entraîne l’abandon des soins

Pensez-vous que la France, que ce soit en métropole ou à La Réunion, a du retard sur ces sujets ?

« Ce que je peux vous dire c’est que dans des pays tels que la Suède, l’Allemagne ou l’Angleterre, le concept de refus de soin n’existe pas. Quand une personne va voir un médecin, celui-ci est tenu de la soigner ou de l’orienter vers une personne compétente.

En France, le problème, c’est que les soignants qui refusent le soin à des personnes vivant avec un handicap ne les redirigent pas vers quelqu’un de compétent. Bien souvent car eux-mêmes ne trouvent pas de professionnels compétents vers lesquels les rediriger. Aujourd’hui dans notre

pays, une personne sur quatre se voit refuser l’accès au soin. Dans des pays plus modestes comme l’Italie, c’est le cas pour une personne sur vingt. En Espagne, c’est une personne pour vingt-cinq. Nous sommes donc très en retard ».

Comment l’application de la Charte Romain Jacob se traduit-elle de façon concrète dans un groupe d’établissements de santé tel que le groupe IRIS santé ?

« Il convient de souligner que la Haute Autorité de Santé (HAS) a pris l’engagement fort d’inclure dans la certification 2020 la Charte Romain Jacob. Cela signifie qu’il est désormais nécessaire de signer préalablement cette charte pour avoir accès à la certification. Cela représente en soi un élément majeur. Néanmoins, il ne sert à rien de signer cette charte si on ne change pas les comportements. Je pense que les demandes les plus simples des personnes vivant avec un handicap, c’est d’avoir un médecin qui vous accueille, qui accepte l’accompagnement, qui vous explique vos soins et qui prend en compte votre douleur. Si un établissement ne

La charte
est appliquée dans 15 pays d’Europe

répond pas à ces 4 critères, il est évident qu’il ne répond pas aux critères de la charte Romain Jacob.
La charte Romain Jacob, en lien avec la caisse nationale d’assurance maladie, évalue le respect de ces critères directement auprès des personnes vivant avec un handicap. Cette évaluation passe notamment par un questionnaire auprès des personnes vivant avec un handicap qui bénéficient de soins, se voient refuser l’accès aux soins ou abandonnent leurs soins.

Nous avons connaissance aujourd’hui de ces résultats à travers un chiffre impressionnant de réponses au questionnaire qui est de l’ordre de 200 000 ».

Quel regard portez-vous sur le groupe IRIS santé et son engagement fort dans la prise en charge de patients porteurs de handicap ?

Le Dr François Rahmani qui dirige ce groupe est un ami, une personne exceptionnelle. Il a été un réel moteur au moment de la création de la charte Romain Jacob. Il a été un des rédacteurs de cette charte avec Christian Bonneau et beaucoup d’acteurs de La Réunion. Il n’est pas seulement un médecin capable de soigner un œil, c’est également une personne qui a compris que le soin et l’accompagnement doivent se conjuguer pour répondre aux attentes des personnes vivant avec un handicap.

J’ai vu, au travers des soins réalisés auprès d’un certain nombre de patients, qu’il était un homme capable de remettre sur la route de la vie toute personne souffrant de problèmes de vue. C’est quelque chose de fantastique. Le Dr François Rahmani a fait beaucoup, tout au long de sa carrière, pour nous amener à changer notre regard sur les personnes porteuses de handicap. Lorsqu’un patient atteint de problèmes de vision est pris en charge, notamment au Centre de rééducation sensoriel HORUS, il n’a pas seulement été soigné, on lui a appris à gérer son handicap, à mettre un plat dans un four, comment faire pour retrouver ses lunettes. Elle a reçu tout ce qui va lui permettre d’être dans la vraie vie, avec les autres, et ce, sans voir. Cela on le doit beaucoup au Dr François Rahmani ».

Quel chemin reste-t-il à accomplir ?

« C’est une terrible question ! Aujourd’hui la charte Romain Jacob est appliquée dans 15 pays d’Europe, aux États-Unis et bientôt en Afrique. Nous rencontrons dans le domaine de la médecine des personnes très compétentes dans leur métier technique. Cependant, dans la relation aux personnes vivant avec un handicap, il reste beaucoup à

faire.
Grâce à l’expérience de François Rahmani, grâce au modèle qu’il nous apporte, nous pouvons apprendre à une personne d’être

expert de son propre handicap et de se construire une expérience de “vivre avec”. C’est cet accompagnement inconditionnel que demande la personne vivant avec un handicap pour être incluse dans la société dans laquelle non seulement elle a besoin d’exister, mais aussi de vivre avec les autres. C’est le seul moyen.

Demain, la charte Romain Jacob aura comme objectif d’accentuer les efforts techniques. Les anglais parlent du “Go back to the road”, retrouver la route de la vie après un accident de santé. Nous devons tout mettre en œuvre pour tendre vers cet objectif. La Réunion sera le premier département à avoir un comité départemental de la charte Romain Jacob. C’est une avancée de plus ».